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Comment Cloclo s'est accaparé Podium...

Dans le courant de la fin de l'année 1971, mon patron vint me voir et me dit: “Josyane, tu va avoir beaucoup de travail sur la photocomposeuse

“????

“Nous allons réaliser un magazine qui sortira tous les mois.. un magazine sur la musique; Il y aura beaucoup de travail, on va devoir donner un sacré coup de collier“.

J'ai 21 ans, je suis maman célibataire, le travail ne m'a jamais fais peur… aujourd'hui encore.

J'ai été embauchée pour être “opératrice en photocomposeuse“… Je suis très rapide pour écrire à la machine à écrire (en ce temps-là, c'est tout ce qui existe en matière d'écriture). La photocoposeuse est un sorte de machine à écrire qui justifie le texte. C'est IBM qui tente de s'emparer le marché des imprimeries avec cet appareil qui se veut révolutionnaire. Afin de remplacer les linotypie (machine qui sort le texte en plomb, à l'envers… avatar de l'invention de l'imprimerie de Gutemberg en 1435 environ).

Le seul problème, ces machines ultra-moderne pour l'époque ne sont pas fiable du tout: jugez-en. Il faut taper le texte deux fois. Une première fois, on aperçoit un curseur qui se déplace sur une ligne gradué et il faut relever le code. Ex; vert 9. Le seconde fois, avant de retaper le texte, il faut tourner un gros bouton et le positionner sur la couleur verte et le grade 9… cela permet de voir le texter se justifier et de réaliser une colonne bien droite. Sauf que, ces machines ne sont pas fiables et le texte est rarement justifié. Le patron s'en arrache les cheveux, la machine a coûté très cher… et ne sert à rien. Il préfère les bonnes vieilles lignes de plomb.

Mais comme il est un patron qui réalise toutes les impressions du parti communiste de la région Midi-Pyrénées, il n'allait tout de même pas licencier une jeune maman célibataire! de plus, il était secrètement amoureux de moi (il m'avait proposé de m'installer dans un appartement et de payer le loyer, à condition que je le reçoive deux fois par semaine… comme si j'étais une cocotte de la Belle Epoque!). Ce que j'avais, bien sûr refusé… Non mais!

L'imprimerie possédait deux machines offset et deux linotypes. Elle comptait une quinze d'ouvriers et d'ouvrières, car, en plus de sortir les feuilles imprimées, il fallait souvent ce que l'on surnomme le “travail de table“: réaliser des carnets, de petits livrets, des blocs-notes… bref tout ce qui se faisait en matière de petits supports d'écrits. Comme le travail de photocompo ne pouvait se réaliser avec la fameuse machine, je devais me trouver du travail dans les autres départements de l'imprimerie: la photogravure, la retouche de négatif, le travail de table, le montage du papier en machine, la surveillance des machines typos….

J'avais aperçu très souvent les trois protagonistes du magazine que nous allions fabriquer. Il y avait le patron d'un orchestre (très connu et très suivi dans les baloches et fêtes des environs de Toulouse, du nom de Sentimental Trumpet); il y avait un journaliste de radio, Sud Radio pour la nommer. Je pense qu'il faisait dans les rencontres sportives du Téfécé et du Stade Toulousain… et enfin, un caméramen de FR3 Midi-Pyrénées qui, par la suite est devenu un grand éditeur parisien, spécialiste des livres écrits par des célébrités… comme mon amie Pierrette Brès.

Le magazine s'intitula Podium. Il était vendu dans tous les kiosques de France. Cela m'impressionnait. Le premier numéro, en couverture, parlait d'un étonnant nouveau chanteur dont la chanson “The fool“ était sur toutes les lèvres cette fin d'année-là; les trois co-directeurs en parlaient entre eux: incroyable, il était aveugle! La seconde une fut réservée à Johnny et informait sur sa nouvelle tournée, qualifiée de “caravane“. Les trois co-directeurs qui avaient un emploi ailleurs nous avait délégué un drôle de personnage, barbu et chevelu, genre artiste engagé, étudiant éternel aux Beaux-Arts de Toulouse, qui faisait la liaison avec les “patrons“ et les autres quidams extérieurs. Il faisait la mise en page; coordonnait les divers articles, les emplacements publicitaires, faisaient des dessins amusants et… les mots croisés.

En, le voyant réaliser la grille (c'était très long et il le faisait en deux autres taches) j'étais fortement curieuse. Cela me plaisait et je lui posais des tas de questions. Il me dit que sur une grille 10 par 10, il ne fallait pas plus de 11 cases noires; “et s'il y en a plus? demandais-je…

Cela veut dire que le réalisateur de la grille n'est pas bon… 12 est un grand maximum“.

Je m'attelais à la tache, moi qui adorais les chiffres et les lettres (les lettres surtout). Et j'ai réalisé un grille après beaucoup de travail. Je lui ai fièrement montré et il l'a tellement approuvé qu'elle est passée dans le magazine: le roi n'était pas mon cousin!

Nous recevions tous les 15 jours, deux 30 tonnes de ramettes de papier. Et, j'aidais les gars à les ranger dans l'atelier; ça pèse le papier, vous le savez mais une ramette, outre son poids avait une surface de 1,20 ou 1,30 m de surface sur au moins 90 cm… (je dis au pif, je ne me souvient plus de la surface exacte, c'était dur à manipuler)… les hommes en prenaient deux à la fois, moi, une seule… mais, que c'était lourd! J'étais hyper-costaude… pour rire, on faisait le “bras d'acier“ souvent, entre nous et… j'étais la 2e.. je battais toutes les femmes et même des hommes et même, un jour, le massicottier… il était pourtant hyper-costaud!

L'imprimerie, je l'ai dis avait deux machines offset.. le seul souci était qu'elle était une seule couleur… pour réaliser le magazine qui était quadri, nous devions passer chaque feuille, 4 fois en machine… c'était très, très long. Surtout, le lavage des encriers entre les passages. Une machine était réservée au noir, qui était la couleur la plus utilisée, la seconde était pour les trois autres couleurs. Chaque fois, reprendre la pile de papier, l'aérer à plusieurs reprises avant de re-monter une pile qui “prendrait“ la nouvelle couleur. Quand c'était imprimé, il fallait massicoter puis passer à la plieuse, rassembler et piquer les agrafes au milieu.

On était toujours en retard…. on travaillait 6 jours sur 7; de 6 heures le matin à deux ou trois heures la nuit suivante…. j'en ai fais, des heures supplémentaires! mais, j'en avais besoin pour payer la nourrice de ma fille, hop', la moitié de la paye en l'air… (pas d'alloc de frais de garde, en ce temps-là!

Au bout de huit mois, ce n'était plus possible de travailler ainsi… le Vieux Loubet a commandé une autre offset, à deux planétaires… ainsi, on pouvait, d'un coup, passer deux couleurs… Podium marchait très bien… il était considéré comme un magazine de très haut niveau de réalisation dans la cohorte des magazines pour les jeunes. Le papier était de 110 grammes et la couv' de 130, glacée, genre kromecott.. Les textes étaient fort bien écrits et “se tenaient“ pour un magazine de la jeunesse. Les ventes augmentaient de mois en mois…. de 50 000 exemplaires mensuels, on était passé à 55, 60, 70.. La pub rentrait à flots….

Cependant, malgré le 2e planétaire, le magazine était réalisé avec beaucoup trop de lenteur… on en était arrivé à devoir planifier chaque numéro un mois et demi à l'avance.

Un jour, il fallu se rendre à l'évidence, ce n'était plus possible; malgré l'amitié des fils Loubet, de leur père et des créateurs de Podium, une décision s'imposait: trouver une autre imprimerie et, tant que faire, un associé car le magazine s'était bien trop développé. Les trois co-directeurs se sont mis à rechercher l'une et l'autre.

Et puis, c'est le fils cadet du patron qui m'a expliqué que n'ayant pas trouvé d'investisseurs suffisamment intéressés, Lafon qui, depuis six mois travaillait pour sa chaîne à Paris, réussi à obtenir un rendez-vous de Claude François, qu'il avait rencontré lors de passages sur la chaîne.

Lafon, Bernadini et Capdevielle, les trois acolytes se rendirent au rendez-vous avec la super vedette de ce temps-là (après Johnny que je dis!), étalèrent quelques magazines devant lui et expliquèrent leur souhait de trouver un investisseur. Cloco les a écouté sans trop les interrompre puis il dit: “je ne m'associe pas, j'achète!". Il savait déjà ce qu'il allait en faire: laisser tomber le luxe et la sobriété du magazine pour en faire le nouveau journal de la jeunesse, criard et m'a-tu-vu que l'on sait. Qui, plus tard, à été marié à un autre magazine et dont on modifia le nom… on ne donne pas ce qu'elle veut à la jeunesse, on la met dans une case “débile sous culturée“.. elle devient ce qu'on lui donne à “manger“.

Lafon est resté à Paris, Bernardini a acheté le plus vieux hebdomadaire de France, un journal sur les courses de chevaux qui, je crois, date de 1775 environ, Capdevielle est resté chef d'orchestre un certain temps… il devait se battre contre la montée en puissance d'un autre orchestre, de Montauban, appelé Goldfinger… nous, les jeunes, on n'allait plus que dans les fêtes animées par l'un ou l'autre de ces sacrés bons orchestres qui jouaient “notre“ musique… Un jour, Goldfinger est devenu “Gold“… Mais, ça, c'est une autre histoire….

Je pense avoir les deux ou trois premiers numéros de Podium qui traînent, quelque part, chez moi…

 

 

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