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Au pageot, le ski?

Grippe : pourquoi l'épidémie est-elle si forte cette année?

Cette année, l'épidémie de grippe saisonnière est particulièrement forte et touche toutes les régions de l'Hexagone. Le vaccin ne serait efficace qu'à 30%, à cause d'une mutation inopinée d'une des souches. Mais est-ce la seule raison qui explique l'importance de cette épidémie ? Deux spécialistes nous ont éclairés sur la question.

D'après les chiffres du Bulletin épidémiologique de l'Institut de veille sanitaire (InVS) de cette 6ème semaine de 2015, 1 500 000 personnes ont contracté la grippe saisonnière depuis le début de l'hiver.

On recense 590 000 nouveaux cas cette semaine, soit 914 cas sur 100 000 habitants au niveau national. La grippe a engendré 5 460 passages aux urgences pour cette seule semaine, dont 533 hospitalisations. Au total, depuis le début de la surveillance de l'épidémie, dont le pic est attendu cette semaine, 483 cas graves ont été observés, dont 42 décès.

Et 60% des virus qui circulent sont des virus de la souche A (H3N2). Comment en est-on arrivé là?

Quels sont les facteurs qui peuvent expliquer cette flambée de l'épidémie par rapport aux années précédentes ? Doit-on incriminer uniquement la faible efficacité du vaccin ?

Sylvie Van Der Werf et Bruno Lina, responsables respectifs du Centre national de référence (CNR) Nord des virus de la grippe de l'Institut Pasteur et du CNR Sud des virus de la grippe aux Hospices civils de Lyon, ont accepté de nous informer sur ce sujet.

Un virus mutant particulièrement virulent qui échappe au vaccin

La première raison qui explique l'importance de l'épidémie de grippe cette année tient en quatre caractères : H3N2, le nom du virus majoritaire.

(On a à faire à des virus H3N2 en majorité, et à des virus variants par rapport à ceux qui ont circulé précédemment, ce qui implique qu'il y a une partie de la population qui a une immunité réduite vis-à-vis de ces virus. C'est une des raisons pour lesquelles on a cette année une épidémie relativement importante“, explique Sylvie Van Der Werf.

“Ce virus variant est apparu durant le printemps et l'été derniers aux États-Unis, où il a été responsable d'une épidémie de grande ampleur“, ajoute le Professeur Lina.

“Une partie des souches de virus H3N2 qui circulent à l'heure actuelle est variante par rapport à la souche qui est dans la composition vaccinale de cet hiver“, précise la chercheuse.

Cette saison, la composition du vaccin choisie par l'OMS en fonction des données scientifiques récoltées contient en effet une souche B, une souche A de type H1N1 et une souche A H3N2. Mais chaque année, les délais obligent l'OMS à donner ses recommandations pour le vaccin dès la mi-février, pour la composition vaccinale de l'hiver qui suit.

"Actuellement, il y a une part de virus H1N1 qui circule (25-30%), 10 à 15% de virus de type B, mais de façon très majoritaire, ce sont les virus H3N2 qui circulent (60% environ) ", détaille S. Van Der Werf. "Et la tendance naturelle observée est l'augmentation progressive de la circulation de la souche H3N2 qui a muté au détriment de celle du vaccin", ajoute Bruno Lina.

Les deux responsables des CNR des virus de la grippe s'accordent pour dire que de manière générale, " les virus H3N2 donnent classiquement des épidémies de plus grande ampleur, et des infections plus sévères chez les personnes âgées. " D'autant que le virus H3N2 mutant est plus facilement transmissible, précise Bruno Lina.

Une mutation imprévisible à laquelle il faut faire face

Si la première raison à incriminer demeure la souche mutante H3N2, il est normal de se demander si une telle mutation aurait pu être pressentie et anticipée lors de la mise en place du vaccin.

" Malheureusement, les méthodologies dont on dispose aujourd'hui n'ont pas permis de prévoir l'émergence de ce variant, ni son caractère dominant ", avoue Sylvie Van Der Werf. " L'année dernière, peu de virus H3N2 circulaient au moment où la décision a été prise sur la composition vaccinale du vaccin actuel. "

" L'évolution des virus est quelque chose de totalement imprévisible.

On ne sait pas aujourd'hui prévoir l'évolution des virus, même si on sait qu'ils vont évoluer et que des mutations vont survenir ", explique quant à lui Bruno Lina, professeur de virologie à l'Université Lyon-1. " On est en fait très démuni face à ces mutations et les modèles de calculs prédictifs complexes se sont toujours trompés. "

Une responsabilité individuelle et des mesures d'hygiène à renforcer

" Au-delà de la vaccination, la prévention passe par les règles d'hygiène simples (lavage des mains, mouchoirs jetables, masques, éternuements contrôlés etc.).

Le vaccin contre la grippe est un vaccin extrêmement bien toléré avec très peu d'effets secondaires et peu de contre-indications (la seule contre-indication étant l'allergie avérée aux protéines des œufs). Dans ce sens, c'est un vaccin sûr et aux bénéfices reconnus qu'on ne peut que recommander sans aucune hésitation ", conclut Sylvie Van Der Werf.

" Malheureusement, on est désormais au milieu de l'épidémie de grippe, qui va durer encore environ 4 semaines. La vaccination à cette période est trop tardive sachant que le vaccin met deux à trois semaines à installer une immunité. Elle ne pourrait éviter qu'un nombre très limité de cas ", regrette par ailleurs Bruno Lina.

"La vaccination réalisée durant l'automne est aujourd'hui nécessaire pour protéger les personnes fragiles (personnes âgées, immunodéprimés, asthmatiques etc.).

Mais ce que l'on propose aussi au-delà de leur propre vaccination, c'est la vaccination altruiste des personnes de leur entourage, pour éviter que l'entourage ne soit le vecteur de la maladie ", insiste-il.

Pour le responsable du CNR de Lyon, " la grippe n'est pas une fatalité ". Chacune des personnes concernées peut agir en prévention par la vaccination de façon précoce, même si ça n'empêchera pas l'apparition d'une épidémie“.

Et une fois que celle-ci est installée, on peut réduire la diffusion de la grippe par des mesures d'hygiène, et diminuer son impact sur les malades via la prescription d'antiviraux", ajoute le Docteur en médecine.

" Même si individuellement ils ne sentent pas à risque, les non vaccinés participent à l'extension de l'épidémie, qui n'existe que par la transmission à partir d'individus infectés. Aujourd'hui il y a une déresponsabilisation individuelle face à la grippe alors que la vaccination est un acte de prévention individuel ainsi qu'un acte civique", conclut-il.

Rappelons que d'après l'InVS, la grippe tue au moins 6 000 personnes chaque année, principalement parmi les personnes âgées et fragiles de plus 65 ans.

 

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