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  • Pas déjantés: non, des fous furieux qui assassinent notre pays! qu'on les foutent dehors de l'Elysée!

    Réforme des universités. Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Geneviève Fioraso envisage de favoriser les enseignements en langue étrangère dans les universités françaises. Une proposition très controversée.

    L’anglais régnera-t-il bientôt dans les amphis de la Sorbonne ? Prochainement discuté à l’Assemblée nationale, l’article 2 du projet de loi Enseignement supérieur et Recherche (ESR) prévoit en tout cas d’élargir les possibilités d’enseigner en langue étrangère — c’est-à-dire surtout en anglais — dans les universités françaises. Une révolution. Jusqu’à présent, la loi Toubon de 1994 posait comme principe qu’en France, dans n’importe quelle école ou université publique ou privée, tous les enseignements devaient être dispensés en français, à l’exception évidente des cours de langue, ou en cas d’intervenants étrangers. Une exception qui pourrait devenir la règle, au point que l’Académie française, alertée, dit craindre une « marginalisation de notre langue ».

    Pourquoi une telle initiative ? Pour Geneviève Fioraso, le français constituerait un frein à l’accueil d’étudiants étrangers non francophones. Selon la ministre, l’Allemagne serait passée devant la France en termes “d’accueil universitaire” précisément grâce à la mise en place de cursus en anglais. Et loin d’y voir un effacement linguistique, Geneviève Fioraso voit au contraire dans cette ouverture « un levier pour la francophonie » : attirés par les cours en anglais, les étudiants étrangers rejoindraient nos universités et se plongeraient ensuite dans la culture française. Un optimisme contredit par un sondage CampusFrance-TNS Sofres qui prouve que 37 % des étudiants étrangers viennent en France précisément pour la langue française, soit à peine moins (45 %) que pour la qualité de la formation.

    Pourtant peu suspect de crispation identitaire, Jacques Attali juge cette réforme « stupide, contre-productive et dangereuse ». « La France n’a aucun mal aujourd’hui à recruter des étudiants étrangers, même venant d’Asie, et de très haut niveau, peut-on lire sur son blog. Ils constituent 13 % des effectifs totaux, soit bien plus que dans les pays comme la Suède, le Danemark ou l’Allemagne, qui enseignent en anglais. » Et l’ancien conseiller présidentiel d’ajouter que les pays qui enseignent en anglais, quand ce n’est pas la langue maternelle des enseignants, voient inévitablement le niveau de leur enseignement baisser.

     « Raisonnement simpliste et fondé sur un mauvais diagnostic », estime de son côté le MET, syndicat étudiant classé à droite qui considère que « la langue française n’est pas le coeur du problème de l’attractivité de nos universités » et dénonce « un véritable renoncement quant à la place de la France et de son université dans le monde ». Seule langue, avec l’anglais, parlée sur les cinq continents, langue de formation et de recherche dans près de 800 universités, le français est et reste une langue à prétention universelle.

    Certes de nombreux scientifiques se sont convertis à l’anglais pour diffuser leurs recherches, publier dans les revues internationales, répondre aux appels d’offres européens. Mais à vouloir renforcer un état de fait, ne risque-t-on pas de se méprendre sur ce qui fait (encore) l’attrait de la France ?

    Professeur et historien de la littérature française, Antoine Compagnon raconte ainsi la déconvenue d’étudiants américains envoyés par leur professeur à Berlin pour y apprendre la langue de Goethe et qui découvrent que les cours y sont donnés… en anglais. Professeur au Collège de France, Claude Hagège interpelle les responsables : « Allez-vous protéger enfin vos tympans contre les sirènes des universitaires liés par des conventions avec des établissements anglophones et qui n’ont pas encore compris que c’est en utilisant le français qu’ils accroîtront le prestige de leurs travaux, et non en mordant le sol devant l’anglais ? »

    Pourquoi ce soudain goût de nos élites pour l’anglais ? « C’est un effet de mode », estime un universitaire. Antoine Compagnon renchérit : « Cela se fait à Sciences Po, désormais modèle des modèles. » Une dérive vers la notoriété qu’analysait récemment dans Causeur Emmanuel Constantin, ancien élève de l’École polytechnique, ingénieur élève du corps des Mines. « La véritable échelle utilisée par le monde de l’enseignement supérieur, particulièrement du second cycle, est celle de la réputation et des étiquettes », écrivait-il, dénonçant « l’internationalisation, mantra des directeurs d’établissements supérieurs en France ». Une politique en trompe l’oeil : « Les intitulés de cours ronflants et ambitieux, les noms de professeurs reconnus… sont autant d’arguments de vente qui se révèlent être des publicités mensongères dès qu’on assiste à un cours baragouiné en anglais d’aéroport. »

    Car c’est le problème : de quel anglais parle-t-on ? Emmanuel Constantin évoque ces professeurs maîtrisant très mal l’anglais et qui « soumettent leurs élèves […] à un calvaire récurrent ». Leur charabia « compile onomatopées, mots de français tripatouillés, anglais écorché vif », auquel s’ajoute une « extrême pauvreté du vocabulaire ». Si l’anglais est incontestablement nécessaire, plaide-t-il, alors développons les cours d’anglais — et non les cours en anglais — pour les étudiants de second ou troisième cycle (en oubliant qu’ils sont censés avoir suivi au moins sept ans d’enseignement d’anglais au collège et au lycée…)

    Échaudée par la polémique, la ministre a finalement tenu à nuancer ses propos. « Cela va concerner moins de 1 % des cours, a-t-elle précisé. Nous nous engageons par ailleurs à ce que ces étudiants apprennent le français. » Mais la porte est ouverte. Un collectif d’enseignants, de chercheurs et de docteurs des universités s’était du reste porté au secours de la ministre. Avec un argumentaire révélateur : « Parce que l’information, la culture et la connaissance n’ont plus de frontières, écrivaient-ils dans le Monde, parce que la recherche n’en a jamais eu, il est plus que temps d’abolir les frontières de l’enseignement supérieur et d’ouvrir pleinement les formations des universités françaises à l’ensemble des étudiants de la planète. » Et cette ouverture doit impliquer des enseignements en anglais car « il est temps d’admettre que [le XVIIIe siècle] n’est plus et que la langue des échanges internationaux est aujourd’hui l’anglais ».

    Et d’ajouter : « Aucune excellence ne peut survivre à la fragmentation linguistique dans les échanges de haut niveau. » Soit. Mais quelle excellence survivra à l’expression d’une langue unique — et surtout d’un globish qui ne fait guère honneur à Shakespeare ? « La bunkerisation linguistique est un combat défensif et néfaste, poursuivait le collectif. Donner des cours en anglais offre des perspectives d’ouverture sur le monde que la situation actuelle interdit de sacrifier sur l’autel de préjugés anciens, passéistes et rétrogrades. » Le mot est lâché : vouloir défendre la place du français est rétrograde. Un argument idéologique qu’on retrouve chez la ministre, qui affirmait : « On ne peut pas défendre la francophonie par la peur. […] Autrement, nous deviendrons un petit pays renfermé sur ses certitudes. »

     

    http://www.valeursactuelles.com/cours-anglais-right-or-wrong20130507.html