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Les ponctionnaires

Quand l’ogre du secteur public dévore le privé…

Ces avantages accordés au public et refusés au privé au nom de la justice sociale…

Par Fabrice Durtal.

Croissez et multipliez ! Fidèle à la Genèse, énorme, envahissante, hypertrophiée, la fonction publique compte aujourd’hui 5,6 millions de ronds-de-cuir contre moins d’un million à la Libération. Contrairement au reste de la population, ces millions de fonctionnaires disposent d’un parachute social qui ne se met jamais en torche.

D’un côté, en classe éco, on trouve le privé, affecté par les problèmes de croissance, la baisse de son pouvoir d’achat, les risques de chômage et des pensions de retraite au format bikini. De l’autre, en classe affaires, des fonctionnaires bien assis, sécurisés par un emploi à vie et jouissant de nombreux privilèges, dont huit semaines de vacances pour certains d’entre eux et une retraite en or massif.

Jadis destinés à compenser un écart de salaire entre privé et public, ces avantages ne sont plus justifiés. Aujourd’hui, l’État rémunère mieux que le privé. En attestent les dernières statistiques de l’INSEE. L’institut a calculé pour l’année 2012 que le salaire net moyen par mois dans le privé s’établissait à 2 130 euros, contre 2 434 euros dans la fonction d’État, 2 242 euros dans la fonction publique hospitalière et 1 848 euros dans la Territoriale. Les chiffres de l’INSEE portant sur le salaire net médian (primes comprises), lissé sur un mois, confirment cet avantage avec 1 987 euros nets mensuel pour le public contre 1 925 euros dans le privé.

EDF : 32 heures de travail par semaine

Cet écart de salaire en faveur des ronds-de-cuir, n’est pas le seul avantage creusant le fossé entre public et privé. Allocations familiales, jour de carence, absentéisme, arrêts maladie, temps de travail, sécurité de l’emploi, accès au logement : dans tous ces domaines les fonctionnaires français profitent de dispositifs bonifiés par l’État. Environ 800 000 salariés employés dans les entreprises contrôlées par l’État (SNCF, La Poste…) s’adjoignent à cette armée de nantis. Ils profitent d’un système digne des Trente Glorieuses tandis que le reste du pays vit à l’heure de la mondialisation. Par exemple, à EDF, certains salariés ne travaillent que 32 heures par semaine et bénéficient de 85 jours de repos par an et d’un régime de retraite généreux (jusqu’à 75 % du dernier salaire).

Ce sont les contribuables qui financent le train de vie des nababs de la fonction publique. Les administrations brûlent l’équivalent de 54% de la richesse nationale annuelle (hors intérêts de la dette) contre 47% en moyenne européenne, indique notamment France Stratégie, le Commissariat général à la stratégie et à la prospective. Après le Danemark et la Finlande, notre pays occupe le 3e rang des pays européens les plus dépensiers.

La retraite des fonctionnaires est l’un des principaux facteurs de gabegie. Elle devrait coûter environ 75 milliards d’euros aux contribuables en 2015. Car si dans le privé le taux de cotisation employeur est de 16%, il est, à titre d’exemple, de 74,28% chez les fonctionnaires civils d’État, selon les chiffres de l’association Sauvegarde Retraites. Le système est devenu fou. Les pensions civiles progressent plus vite que l’inflation. Selon les estimations d’Éric Verhaeghe, l’ex-président de l’APEC (l’Association pour l’emploi des cadres), dans Le Figaro (3 novembre 2014), 30% de la hausse des dépenses publiques depuis 2006 sont imputables à la retraite des fonctionnaires.

Une réforme des retraites ? Les fonctionnaires n’en veulent pas. Ils auraient tout à y perdre. Contrairement au secteur privé, où la pension est calculée sur la moyenne des 25 meilleures années de salaire, celle des fonctionnaires est basée sur l’emploi occupé durant les six derniers mois d’activité. Tout fonctionnaire promu dans l’année précédant sa retraite part donc avec une pension suralimentée. Comme dans l’armée, où le passage du grade de colonel à celui de général au moment de quitter le service est connu sous le vocable de « général quart de place ». Autre bonus réservé aux fonctionnaires, le taux de liquidation (conversion du dernier salaire en pension) peut atteindre 80% grâce au jeu des bonifications, alors qu’il plafonne à 50% dans le privé.

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Toujours plus !

Afin que ses troupes reçoivent un supplément de pension, l’État a créé, en 2005, un régime de retraite additionnel de la fonction publique (RAFP). Il concerne plus de 4 millions de fonctionnaires. Contrairement au privé, cantonné à la répartition, ce fonds de pension joue la carte de la capitalisation comme la fameuse Préfon. La gestion du RAPF vient d’être épinglée par la Cour des comptes qui lui demande notamment une gestion plus rigoureuse. Autant prendre les devants puisque ce fonds devrait encaisser 75 milliards d’euros de contributions des employeurs et des agents d’ici à 2050 !

Les régimes spéciaux patronnés par l’État constituent un autre exemple de favoritisme. La plupart ont été négociés à la Libération. En s’appuyant sur les documents de la CNAV (Caisse nationale d’assurance vieillesse), Contrepoints estime qu’un ancien salarié de GDF/EDF, perçoit, par exemple, 2 433 euros bruts de retraite mensuelle soit plus du double qu’un salarié du privé.

Cette différence de traitement est due à une injection d’argent public. En 2012, la CNAV a transféré 6,8 milliards d’euros aux régimes spéciaux et aux industries électriques et gazières, soit une charge équivalente à 220 euros par tête pour les 31 millions d’assujettis de la Caisse.

Favorisé en termes de pension, le service public l’est aussi en matière de réversion. Dans la fonction publique (régime général), elle est égale à 50% de la retraite du défunt et peut être octroyée sans condition d’âge minimum ou de ressources. C’est le jour et la nuit vis-à-vis du privé où son attribution est soumise tant à l’âge du bénéficiaire (55 ans minimum) qu’à ses revenus. Le plafond de ressources annuel pour bénéficier d’une retraite de réversion dans le privé était, par exemple, fixé à 19 988 euros pour une personne seule à l’été 2014. Un seuil vite atteint pour les ménages de cadres, mais dont les fonctionnaires n’ont pas à se soucier.

Antienne du discours gouvernemental, la « justice sociale » passe au second plan lorsqu’il s’agit de la fonction publique. Qu’il soit coiffé d’une casquette de père de famille, d’accédant à la propriété ou de simple malade, le fonctionnaire dispose toujours d’une sécurité accrue par rapport au salarié lambda.

Le supplément familial de traitement (SFT) est l’un de ces marqueurs préférentiels. Fin 2014, le gouvernement s’est félicité de la modulation des allocations familiales. Au mépris de l’universalité prévue par la loi Landry de 1932, leur taux chute désormais de 50% pour toute famille ayant un revenu net mensuel supérieur à 6 000 euros, et de 75% pour celle disposant de plus de 8 000 euros. Ce coup de vis épargne la fonction publique. Quel que soit leur salaire, les fonctionnaires continueront à percevoir un supplément familial de traitement. Son montant est constitué d’une part fixe et d’une part proportionnelle égale à 3% du traitement pour deux enfants et 8% pour trois enfants (6% par enfant supplémentaire, avec plafonnement).

Supplément familial versé en plus des allocs

Dans une étude publiée en octobre dernier, l’Ifrap, un cercle de réflexion libéral, s’étonne que le calcul du SFT ne soit pas « modulé » selon le niveau de salaire des agents comme c’est le cas dans le privé. Résultat, selon l’Ifrap, un fonctionnaire avec quatre enfants payé 9 000 euros par mois percevra, par exemple, 598 euros d’aide mensuelle (7 176 euros par an), alors qu’un salarié du secteur privé dans la même situation devra se contenter de 115 euros. Après le banco… le super banco : le SFT fait double emploi avec les allocations familiales que les agents publics perçoivent par ailleurs. Pour justifier ce cumul, les syndicats de fonctionnaires font valoir que le SFT constitue un accessoire du traitement de base et non une prestation familiale…

La famille ! En matière de logement, les fonctionnaires disposent d’un quota réservé. Il représente 5% du parc des différents bailleurs sociaux. De nombreux ronds-de-cuir y sont logés aux frais de la République. Selon une enquête du site Atlantico, près de 130 000 fonctionnaires dont 35 000 enseignants, profitaient de cet avantage en 2012. Bien qu’elle constitue un avantage en nature évalué à 10 000 euros par an, cette aide n’est pas imposable, ce qui équivaut à un manque à gagner de 1,27 milliard d’euros pour le fisc, selon Atlantico.

Quand ils décident de troquer le statut de locataire pour celui de propriétaire, les agents accèdent à des prêts conventionnés et peuvent aussi disposer de « prêts aux fonctionnaires ». Une fois dans ses meubles, tout ce personnel administratif peut dormir les fenêtres ouvertes en plein hiver. S’il tombe malade, il n’a pas à supporter le moindre jour de carence alors que les salariés du privé doivent en assumer trois.

Bonnet d’âne pour la Territoriale

Ce régime de faveur encourage l’absentéisme, notamment dans la Territoriale. Selon un recensement effectué par le magazine Challenges, le taux d’absentéisme y est, en moyenne, beaucoup plus élevé que dans le privé, un agent municipal se faisant porter pâle 26 jours par an avec un record absolu pour Montpellier de 39 jours en 2011, une ville pourtant peu réputée pour la rigueur de ses frimas.

Même s’il fait mine de ne rien voir, l’État sait qu’une partie de ses ouailles tire au flanc. Mais il fait le dos rond. Mécontenter les fonctionnaires ? Pas question, ils sont trop nombreux. Le Canada, la Suède, l’Allemagne ont taillé dans leurs effectifs dans les années 2000, imités par la Grande-Bretagne, l’Irlande, le Portugal, l’Espagne, la Grèce… Dans la plupart des pays, les effectifs de la fonction publique reculent, mais en France ils augmentent, notamment dans la Territoriale qui compte près de 2 millions d’agents contre 2,5 millions pour la fonction publique d’État.

Des fonctionnaires qui s’ajoutent aux fonctionnaires, cela n’améliore pas le rendement d’une fonction publique qui tourne au ralenti dans l’Hexagone comme dans les DOM-TOM, où les agents mutés disposent de congés bonifiés, de jours fériés supplémentaires… Une récente étude (octobre 2014) de l’Institut Montaigne, un think tank classé comme libéral, préconisait d’augmenter la durée légale hebdomadaire de travail des fonctionnaires à 38 heures, voire 40 heures (sans compensation salariale) pour réveiller la machine administrative. De son côté, la Cour des comptes a récemment incité l’État à augmenter la durée de travail « effective » des fonctionnaires.

Faire travailler les fonctionnaires 40 heures par semaine? Beaucoup reste à faire ! Selon un article publié dans La Gazette des communes, leur temps de travail n’atteint même pas la durée légale de 35 heures hebdomadaires. Par exemple dans la Territoriale, éternel bonnet d’âne de la fonction publique, où l’on est loin des 1 607 heures annuelles qui devraient être la norme.

◾« Les inégalités public-privé », Les Enquêtes du contribuable de février/mars 2015. 3,50€€. En kiosque le lundi 2 février et sur abonnement.

https://www.contrepoints.org/2015/02/10/197400-quand-logre-du-secteur-public-devore-le-prive

 

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