Air France : les pilotes exigent le paiement des jours de grève
Plus d'un millier d'entre eux, soutenus par leur syndicat, attaquent la compagnie devant les prud'hommes.
Les pilotes grévistes d'Air France espèrent bien faire débourser leur compagnie. Alors que leur mouvement de grève de septembre a déjà coûté 330 millions d'euros de perte d'exploitation à Air France, ils n'ont pas l'intention d'en rester là. Le combat du SNPL, syndicat majoritaire des pilotes, consiste désormais à réclamer le paiement des jours de salaires décomptés en octobre par l'entreprise pour le calcul de la partie variable de leur rémunération. Les adhérents du SNPL viennent de recevoir un message de leur syndicat pour passer à l'offensive: «Une procédure judiciaire peut débuter», déclare le syndicat. Elle sera engagée contre Air France devant le conseil de prud'hommes. Fin septembre, leur salaire fixe (environ 40 % de leur rémunération) a été versé. Mais ils ont dû attendre fin octobre pour percevoir la partie variable (60 %) qui correspond aux primes de vols. Certains pilotes ont perdu la moitié de leur salaire de septembre s'ils ont fait grève pendant les 14 jours.
Le SNPL bat le rappel dans ces termes: «Si vous avez été considéré comme gréviste, en absence sans solde, en activité sans solde ou tout autre chose… nous vous remercions de nous adresser les pièces suivantes …», propose le syndicat. Le SNPL l'assure dans son courrier: «Il ne s'agit évidemment pas de se faire payer les jours de grève comme certains médias l'ont diffusé mais de faire appliquer la loi et l'accord stabilité de planning»! Les pilotes ont jusqu'au 30 novembre pour se faire connaître. «Cette procédure sera prise en charge par le SNPL», précise le courrier.
Jurisprudence favorable à Air France
La direction de la compagnie ne respecterait-elle pas le droit du travail? Le SNPL a mis en place depuis des années un stratagème qui permet de s'accommoder de la loi. La technique est la suivante: les pilotes doivent se déclarer grévistes au moins 48 heures à l'avance pour se conformer à la loi Diard. Ils se déclarent ainsi en grève un jour, plutôt que plusieurs jours d'affilée. Cette consigne a été lancée sans complexe par le SNPL en septembre.
Ainsi, un pilote est programmé sur un vol qui effectue une rotation de plusieurs jours - entre trois et cinq selon les destinations. Lorsque le vol est annulé en raison de la grève, le pilote est «inutilisé» plusieurs jours de suite. Ce dernier déclare alors, dès le deuxième jour, qu'il n'est plus gréviste et qu'il devrait être rémunéré puisqu'il est «à la disposition de l'entreprise». Mais, comme l'emploi du temps des pilotes est fixé un mois à l'avance pour préserver «la stabilité du planning», leurs jours de repos également calés empêchent de fait la compagnie de reprogrammer les pilotes.
Au service du personnel d'Air France, la règle appliquée pour calculer le nombre de jours payés est simple: le planning prévu pour chaque pilote est confronté au travail réellement effectué. Lorsqu'une rotation de trois jours avait été prévue mais que le pilote n'avait déclaré que le premier jour de grève, trois jours lui sont décomptés.
Manœuvre électoraliste
Sur le plan juridique, les pilotes du SNPL n'ont aucune chance d'obtenir gain de cause. Une jurisprudence de la Cour de cassation de 1998 comptabilise les jours de rotation comme journées de grève. Mais la corporation se serre les coudes, décidée à mener son combat jusqu'au bout. Tant pis si les autres syndicats de pilotes (Spaf, Alter) adoptent une conduite conforme au droit de grève. Les syndicats d'hôtesses et de stewards non plus n'ont jamais cherché à détourner le droit de grève.
Au total, près de 2000 membres du SNPL d'Air France devraient, pour le principe, réclamer le paiement de journées non travaillées dans le cadre d'une procédure longue qui n'aboutira probablement pas avant l'été prochain. Le SNPL qui s'est fourvoyé dans un mouvement de grève record sans obtenir gain de cause joue la montre. Les élections professionnelles auront lieu en février. Or l'issue - défavorable - de la procédure judiciaire tombera beaucoup plus tard. En attendant, le syndicat peut tenter de convaincre ses adhérents qu'ils sont les plus forts et les plus combatifs.